En quelques décennies, la Corée du Sud s’est imposée comme l’une des économies les plus dynamiques au monde. Passant d’un pays ravagé par la guerre à une puissance technologique et industrielle, son succès repose en grande partie sur une stratégie agressive d’exportation et une gestion rigoureuse de ses besoins en importation. Avec des géants comme Samsung, Hyundai et LG, le pays a construit un écosystème économique tourné vers l’innovation et les marchés mondiaux. Pourtant, derrière cette réussite se cachent des défis majeurs : dépendance énergétique, tensions géopolitiques et concurrence accrue. Cet article explore comment la Corée du Sud équilibre importations et exportations pour maintenir sa croissance, tout en s’adaptant aux enjeux du XXIᵉ siècle.
1. Une Économie Tournée vers l’Exportation : Le Moteur de la Croissance
La Corée du Sud est souvent citée en exemple pour son modèle économique axé sur l’exportation. Le pays a exporté pour 683 milliards de dollars de biens et services, soit près de 40 % de son PIB. Les semi-conducteurs, l’automobile et l’électronique grand public dominent les ventes à l’international, avec des entreprises comme Samsung Electronics (leader mondial des puces mémoires) et Hyundai-Kia (5ᵉ constructeur automobile mondial).
Le gouvernement a historiquement soutenu ce modèle via des subventions, des incitations fiscales et des accords de libre-échange (ALE). La Corée du Sud compte aujourd’hui 17 ALE couvrant 58 pays, dont les États-Unis, l’UE et la Chine. Ces accords facilitent l’accès aux marchés mondiaux et renforcent la compétitivité des chaebols (conglomérats familiaux).
Cependant, ce focus sur l’exportation expose le pays aux aléas de la demande internationale. La récente pénurie de semi-conducteurs et la baisse des ventes automobiles en Europe illustrent cette vulnérabilité.
2. Importation : Les Dépendances Stratégiques d’une Puissance Industrielle
Si l’exportation est vitale, l’importation l’est tout autant. La Corée du Sud, pauvre en ressources naturelles, dépend à 95 % de l’étranger pour son énergie (pétrole, gaz, charbon). Ses importations ont atteint 731 milliards de dollars, creusant un déficit commercial historique.
Les matières premières (minerais, métaux) et les composants high-tech (comme les lithographies pour semi-conducteurs) constituent une part majeure de ses achats. La Chine, les États-Unis et l’Australie sont ses principaux fournisseurs. Par exemple, près de 80 % du lithium utilisé dans les batteries de véhicules électriques est importé.
Cette dépendance pose des risques géopolitiques. Les tensions sino-américaines ou les perturbations logistiques (comme lors de la crise du Covid-19) menacent directement la chaîne d’approvisionnement. Pour y remédier, Séoul diversifie ses sources et investit dans les énergies renouvelables.
3. Balance Commerciale : Entre Excédents Sectoriels et Défis Structurels
Malgré un déficit global (-47 milliards de dollars), la Corée du Sud maintient des excédents dans des secteurs clés. L’industrie automobile (+54 milliards) et les biotechnologies (+12 milliards) compensent partiellement les importations énergétiques.
Le pays mise sur l’innovation pour améliorer sa balance commerciale. Le plan « Korean New Deal » vise à investir 160 milliards de dollars d’ici peu dans la numérisation et l’écologie. Objectif : réduire les importations de combustibles fossiles en développant l’éolien offshore et l’hydrogène vert.
Toutefois, des obstacles persistent. Le vieillissement de la population ralentit la croissance domestique, tandis que la concurrence s’intensifie face à la Chine (dans les batteries) et à Taïwan (dans les semi-conducteurs).
4. Stratégies Futures : Digitalisation et Durabilité
Pour pérenniser son modèle, la Corée du Sud mise sur deux leviers :
- La transformation digitale : Le pays est déjà leader en 5G et intelligence artificielle. Des projets comme la « Smart Factory » (usines automatisées) visent à booster la productivité et réduire les coûts d’importation de main-d’œuvre.
- L’économie circulaire : Recyclage des batteries, utilisation de matériaux biosourcés… Ces initiatives limitent le recours aux importations de ressources non renouvelables.
Parallèlement, Séoul renforce ses partenariats avec l’ASEAN et l’Inde pour diminuer sa dépendance à la Chine, tout en capitalisant sur la vague K-pop et K-drama pour exporter sa culture et stimuler le tourisme.
5. Les Enseignements d’un Modèle en Mutation
La Corée du Sud incarne une réussite économique unique, bâtie sur une exportation agressive de biens high-tech et une gestion minutieuse de ses importations. Pourtant, ce modèle doit évoluer face à des défis sans précédent.
Dépendance énergétique : En important massivement hydrocarbures et minerais, le pays reste vulnérable aux crises géopolitiques. La transition vers les énergies vertes et l’hydrogène sera cruciale pour sécuriser son approvisionnement.
Innovation continue : Face à la concurrence chinoise et taïwanaise, les chaebols doivent accélérer leur R&D, notamment dans les semi-conducteurs de nouvelle génération et les véhicules autonomes.
Diversification des marchés : Les tensions entre les États-Unis et la Chine poussent Séoul à renforcer ses liens avec l’Europe, l’Inde et le Moyen-Orient. Les ALE joueront un rôle clé pour ouvrir de nouveaux débouchés.
Soft power : L’explosion de la K-pop et des K-dramas n’est pas qu’un phénomène culturel. Elle renforce l’image de marque « Made in Korea », boostant les exportations de cosmétiques, de mode et de services média.
Enfin, la Corée du Sud montre qu’une économie peut concilier croissance industrielle et transition écologique. Son « Green New Deal », combinant réduction des importations fossiles et développement des énergies renouvelables, inspire plusieurs pays asiatiques.
Cependant, le chemin reste semé d’embûches. Le vieillissement démographique, le surendettement des ménages et les inégalités sociales pourraient freiner cette dynamique. Pour rester compétitive, la Corée du Sud devra donc continuer à innover, s’adapter et équilibrer judicieusement ses importations et exportations.