La Tunisie, carrefour géostratégique entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, cultive depuis des décennies une économie tournée vers l’import-export. Avec un déficit commercial persistant (-5 050,5 millions de dinars au premier trimestre 2025), le pays cherche à rééquilibrer sa balance commerciale tout en capitalisant sur des secteurs clés comme l’agriculture, les technologies et les énergies renouvelables. Face à un contexte mondial marqué par l’inflation et les tensions géopolitiques, la Tunisie mise sur des accords de libre-échange et l’innovation pour renforcer sa compétitivité. Cet article explore les dynamiques actuelles, les défis structurels et les leviers de croissance pour un commerce extérieur tunisien résilient et diversifié.
1. État des lieux du commerce extérieur tunisien en 2025
En 2025, les échanges commerciaux de la Tunisie reflètent une économie en transition. Les exportations s’élèvent à 15 325,1 millions de dinars (MD), en baisse de 5,9 % sur un an, tandis que les importations atteignent 20 375,5 MD (+5,5 %). Ce déséquilibre s’explique par la chute des ventes d’huile d’olive (-28,2 %) et de dattes (-16 %), ainsi que par la hausse des achats de biens d’équipement (+18,3 %) et de matières premières (+5,1 %). L’Union européenne reste le premier partenaire (70,1 % des exportations), mais les échanges avec l’Afrique subsaharienne progressent, notamment avec la Libye (+39,6 %) et l’Égypte (+155,7 %).
2. Secteurs clés et innovations à l’exportation
Agriculture et agroalimentaire : un potentiel sous-exploité
Malgré un recul des exportations alimentaires (-19,9 % en valeur), la Tunisie conserve des atouts majeurs. Premier exportateur mondial de dattes, elle vise à conquérir les marchés africains, portés par une demande croissante. Le secteur oléicole, bien que frappé par la chute des prix (-53,5 %/kg), mise sur la qualité et les certifications pour rebondir.
Technologie et énergies renouvelables : l’essor des startups
Les startups tunisiennes brillent à l’international. Lors du SelectUSA Investment Summit 2025, des entreprises comme Aquadeep (aquaculture intelligente) et BakoMotors (véhicules solaires) ont séduit des investisseurs américains 2. Le secteur des énergies renouvelables, soutenu par des projets solaires et éoliens, pourrait devenir un pilier des exportations d’ici 2030.
Textile et mécanique : entre résilience et modernisation
Le textile, historiquement compétitif grâce à des coûts salariaux attractifs, représente 14,4 % des exportations manufacturières 5. Face à la concurrence asiatique, le pays modernise ses infrastructures et diversifie ses produits.
3. Défis structurels et dépendances
La Tunisie peine à réduire sa dépendance aux importations énergétiques (-9,6 % en 2025), responsables de 50,4 % du déficit commercial. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et l’inflation mondiale alourdissent les coûts, tandis que les tensions politiques internes freinent les réformes. Les tarifs douaniers américains, bien qu’affectant marginalement les exportations (2,2 % du PIB), risquent d’impacter indirectement la demande européenne.
4. Stratégies pour un commerce extérieur durable
Diversification des marchés et accords régionaux
La Tunisie accélère son ouverture vers l’Afrique subsaharienne, profitant d’accords commerciaux pour écouler produits agricoles et technologies. Le marché intra-africain, en pleine expansion grâce à la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale), offre un potentiel inexploité.
Innovation et financement des PME
Les startups tunisiennes, comme NeoContract AI (gestion de contrats intelligents) ou Pixii Motors (scooters électriques), attirent des capitaux étrangers. Le gouvernement mise sur les zones franches pour attirer les investisseurs, avec des exonérations fiscales et un accès facilité aux marchés européens.
Transition énergétique et compétitivité
Réduire la facture énergétique (-2 881,7 MD en 2025) passe par le développement des énergies renouvelables. Des projets solaires et éoliens pourraient positionner la Tunisie comme exportateur d’électricité verte vers l’Europe.
5. Perspectives 2025–2030 : entre optimisme et prudence
La Banque mondiale table sur une croissance modérée de 1,6 % en 2025, tributaire d’une reprise agricole et manufacturière. Cependant, les risques persistent : chômage élevé (15,2 %), dette publique (89 % du PIB) et instabilité socio-politique. Pour inverser la tendance, la Tunisie doit accélérer les réformes structurelles, moderniser son appareil productif et renforcer sa connectivité logistique.
La Tunisie se trouve à un carrefour décisif de son histoire économique. Si le déficit commercial et les dépendances énergétiques pèsent lourd, le pays dispose d’atouts indéniables pour transformer son modèle d’import-export. Les startups innovantes, à l’image de Cure Bionics (prothèses low-cost) ou Talentexpo AI (recrutement intelligent), incarnent une nouvelle génération d’entrepreneurs capables de rivaliser à l’international 2. Parallèlement, les secteurs traditionnels comme l’agriculture et le textile doivent s’adapter aux normes internationales et aux attentes des consommateurs.
La réussite passera par une collaboration public-privé renforcée, un accès facilité aux financements étrangers et une intégration accrue aux chaînes de valeur régionales. Les accords de libre-échange avec l’UE et l’Afrique subsaharienne offrent un cadre propice, mais leur potentiel reste sous-exploité. Enfin, la transition vers une économie verte, via les énergies renouvelables et une industrie décarbonée, pourrait positionner la Tunisie comme un hub durable dans la Méditerranée.
Dans un contexte mondial incertain, marqué par les crises climatiques et les tensions commerciales, la Tunisie doit agir avec pragmatisme et vision à long terme. Les réformes engagées en 2025 – modernisation des infrastructures, soutien aux PME, diversification énergétique – seront déterminantes pour atteindre un équilibre commercial durable et inscrire le pays dans une trajectoire de croissance inclusive.