Mauritanie : Enjeux et Dynamiques d’une Économie en Mutation

Située au carrefour de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb, la Mauritanie incarne une économie en pleine transformation, marquée par ses richesses naturelles et ses défis structurels. Avec un PIB de 10,5 milliards de dollars en 2023, le pays reste tributaire des secteurs extractifs (fer, or, cuivre) et de la pêche, qui représentent près de 75 % des exportations totales. Cependant, l’émergence de projets gaziers comme Grand Tortue Ahmeyim (GTA) et les efforts de diversification économique redessinent progressivement son paysage commercial. Les flux d’import-export, pivot de son économie, reflètent à la fois sa dépendance aux matières premières et ses aspirations à une intégration plus robuste dans les chaînes de valeur mondiales. Cet article explore les dynamiques commerciales, les défis et les opportunités d’un pays en quête d’équilibre entre exploitation des ressources et développement durable.

1. Les Pillers de l’Économie Mauritanienne : Entre Ressources Extractives et Pêche

L’économie mauritanienne repose largement sur le secteur extractif, qui contribue à 33 % du PIB et domine les exportations avec le fer (34,6 %), l’or (37,3 %) et le cuivre (3,1 %) en 2023. La Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), pilier de l’industrie du fer, a produit 14,5 millions de tonnes en 2023, consolidant la position du pays comme acteur clé en Afrique de l’Ouest. Parallèlement, la pêche, secteur historique, génère 20 % des recettes budgétaires et emploie 40 000 personnes, bien que la majorité des captures soient transformées à l’étranger, limitant la création de valeur locale.

Le gaz, en devenir, représente un levier de croissance majeur. Le projet GTA, dont la production démarre fin 2024, devrait générer 500 millions de dollars annuels d’ici 2025, stimulant les exportations et réduisant le déficit courant à 7,4 % du PIB. Cette diversification est cruciale pour atténuer la vulnérabilité aux fluctuations des cours mondiaux, comme le démontre le ralentissement économique de 2023 (+3,4 %), lié à la baisse des prix du fer.

2. Import-Export : Structure et Défis d’une Économie Ouverte

Les exportations mauritaniennes, évaluées à 3,78 milliards de dollars en 2022, sont dominées par la Chine (24,6 %), la Suisse (13,6 %) et le Canada (11,9 %). Le fer (44 %), les produits halieutiques (11,5 %) et l’or (34,8 %) constituent l’essentiel des ventes à l’international 7. Toutefois, la faible transformation locale des ressources – seulement 20 % des poissons sont traités sur place – limite la valeur ajoutée et pénalise l’emploi.

Côté importations (5,34 milliards de dollars en 2023), la Mauritanie dépend fortement des produits pétroliers, des biens manufacturés et des denrées alimentaires, principalement fournis par la Chine (19,4 %), les Émirats Arabes Unis (13,6 %) et le Maroc (6,3 %). Ce déséquilibre commercial, avec un déficit de 9,21 milliards MRU fin 2024, expose le pays aux chocs externes, comme l’inflation post-COVID et la guerre en Ukraine, qui ont fait grimper les coûts d’importation en 2022.

3. Partenariats Internationaux et Accords Commerciaux

La Mauritanie cultive des alliances stratégiques pour renforcer ses échanges. L’Union européenne est un partenaire historique, notamment via des accords de pêche renouvelés en 2015, garantissant 59,125 millions d’euros annuels et un soutien aux communautés locales. La Chine, premier client et fournisseur, investit dans les infrastructures et les mines, reflétant sa stratégie d’expansion en Afrique.

Le pays mise également sur les marchés émergents comme les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, actifs dans la restructuration de sa dette et les projets énergétiques. En 2023, un accord avec l’Arabie Saoudite a permis de réduire la dette publique de 52,4 % à 48 % du PIB, améliorant la confiance des investisseurs.

4. Réformes Structurelles et Perspectives de Croissance

Face aux enjeux, la Mauritanie accélère ses réformes. Le programme FMI (86 millions de dollars sur 42 mois) vise à moderniser la politique budgétaire et à développer les marchés financiers. La création de l’Agence de Promotion des Investissements (APIM) en 2021 et la révision du code des investissements visent à attirer les capitaux étrangers, malgré un climat des affaires encore complexe (classé 150e/190 par la Banque Mondiale).

Les projets d’hydrogène vert (Nour et Aman) et d’uranium (TIRIS) illustrent la volonté de diversification. Toutefois, les retards dans le démarrage de GTA et les risques climatiques (sécheresses récurrentes) rappellent la nécessité de renforcer la résilience économique.

Vers un Équilibre Entre Exploitation et Durabilité
La Mauritanie se trouve à un tournant décisif. Si les ressources extractives et la pêche restent des moteurs incontournables, leur exploitation durable et la valorisation locale sont essentielles pour transformer la richesse naturelle en progrès social. Le projet GTA, synonyme de croissance potentielle de 5,5 % en 2025, pourrait catalyser l’industrialisation et réduire la dépendance aux importations énergétiques.

Cependant, les défis persistent :

  • La pauvreté touche encore 6,3 % de la population en 2022, et le chômage des jeunes atteint 24 %.
  • La gouvernance et la lutte contre la corruption nécessitent des améliorations pour attirer les investisseurs.
  • Les chocs climatiques, récurrents, menacent la sécurité alimentaire et les infrastructures.

Pour réussir sa transition, la Mauritanie doit optimiser ses accords commerciaux, investir dans les infrastructures logistiques et renforcer les compétences locales. L’intégration régionale via l’AfCFTA (Zone de Libre-Échange Continentale Africaine) et les partenariats avec des acteurs comme l’UE ou la Chine offrent des leviers pour équilibrer import-export et construire une économie résiliente. En misant sur la transformation digitale, les énergies renouvelables et un climat des affaires plus favorable, le pays pourrait incarner un modèle de développement équilibré en Afrique de l’Ouest.

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